Milo connait Julien, le Julien Daïan génial, généreux, gourmand, depuis pus de dix ans. Quelques séances d’impros totales sur scène en ne précisant qu’un titre pour toute partition « So what ». Body Builder à son niveau, Julien et son quintet nous ont offert en avance quelques titres phares de leur nouvel album qui groove comme la renaissance du Vésuve, les braises de nos corps en action. Sensuel, il l’est ? Fin producteur ? Affirmatif. Saxophoniste swing et inventif à la George Coleman tintée de Winton Felder (the Crusaders) , il dépose avec passion Sandra des Vagues dans les allées immenses de l’Art et de ses hommes nus assis. Exquis vivant que cet homme-ci.
Toujours tonique, adulte désormais attitré, trublion officiel du Jazz Français, Julien Daïan est le touche-à-tout qui arpente depuis les années 2000 le paysage musical francophone. Saxophoniste dédié, il crée sans préméditation son propre groupe en 2005 : le Julien Daïan Quintet. La bande donne vie à 2 albums d’un jazz incontesté qu’elle mâtine d’une musique électronique qui se couche tard, de hip-hop d’inspiration new-yorkaise et de la vibration ethnique de ces musiciens qui cherchent toujours ailleurs les racines de leur propre son.
Julien Daïan nous revient avec un nouvel opus, “Suppose it is butter”, citation énigmatique extirpée d’un poème de Gertrude Stein qui donne le ton à ce voyage musical iconoclaste. Fidèle à sa recette unique, il concocte un cocktail détonnant de collaborations surprenantes, de titres inattendus et d’influences qu’on ne veut plus citer, refusant de se laisser enfermer dans une seule case. C’est ainsi que s’ouvre cet opus, en un bouquet d’accords frais et vibrants de pure pop&jazz, un smoothie banane-butternut caressant les papilles auditives. “Bartz is a kid again”, clame le titre, clin d’œil nostalgique au funk flamboyant de Gary Bartz, aux coupes afro, à un Harlem idéalisé. Un voyage temporel qui se poursuit avec “The play you play away”, un titre ambiant & down-tempo inspiré du New-York underground de Sam Wilkes et des Lounge Lisard. Winston McAnuff y déploie ses mélopées dans un registre soul et atmosphérique si étonnant . Un envoûtement qui se mue en une apothéose électro-festive sur le titre qui concluera l’album, « Clubbing with the watcher”, où Daïan se mue en maître de cérémonie de soirée festive et incantatoire. Après Serge Gainsbourg sur l’album “Cut-up”, c’est Daniel Auteuil que l’on croise furtivement en ce lendemain de fête, prêtant sa voix pour “Les musiciens dorment le matin”. Le sommeil y’est agité, saturé peut-être de revers plus sombres et d’errements nocturnes. Mais trop vieux pour changer, Daïan s’éveille bientôt sur “The Real Mc Buck”, hommage officiel à Buckshot LeFonque.
Armé d’une paire de denim de confection japonaise, de riffs New-Yorkais et de scratches vieille école, il nous transporte avec le rappeur Biship Chasten au coeur des années 90, à l’époque où le duo Marsalis / Premier a changé sa vie. Biship Chasten, on le retrouvera soutenu par l’indestructible Roger Raspail sur “Caïman Barbu” avec Alex Tassel à la trompette dans un rythme qui s’accélère et se cubanise. L’ambiance devient plus frénétique, la fête continue mais se déplace, Daïan remplit son melting-pot. French Paradox ALBUM — Suppose it is butter Julien Daïan French Paradox 08 Nov. 2024 Et puis on s’émeut dès les premières notes de la berceuse cosmique “Belli Bless Tune”, une ballade intra-utérine composée par l’artiste quelques semaines avant la naissance de sa fille dans laquelle sound-design et échos cardiaques originaux se mêlent harmonieusement, créant une atmosphère unique et touchante. La pièce s’enchaîne ensuite avec “Romancing the Stone” en relecture cinématographique échevelée. Une électro hybride entre Squarepusher et Zappa relevée d’un zeste de smooth-jazz dans lequel on discerne le brushing de Michael Douglas. Le voyage musical s’achève momentanéement avec “Lunar Glow in the Lagoon”. Cette composition hypnotique puise ses influences dans le jazz insulaire, le skank reggae et les chœurs brésiliensavec un je-ne-sais-quoi d’à la française. On y reconnaît l’empreinte de maîtres tels que Nana Vasconcelos ou Milton Nascimento. Les frontières musicales se dissolvent, laissant place à un mélange enchanteur qui invite à l’évasion. Daïan nous affirme qu’il fait du Melting’Jazz on est d’accord, on est toujours d’accord. Il nous dit qu’il est Dadaïste et on lui répond qu’il est Daïaniste. On ne comprendra pas tout, on se laissera surprendre puis porter sans réfléchir en battant de la semelle, c’est bien un album de Julien Daïan.
Lola Matisse